Société
Jeudi 26 Juin 2014 à 16:59 (mis à jour le 26/06/2014 à 17:01)

La dictature du pieton

(ceci est de l'humour évidemment)

A Paris. Le cycliste peut être de tous les milieux, grand bourgeois, étudiant, sportif... Photo © AFP

Vélo. La petite reine est devenu moyen de transport comme un autre, mais mise en danger par les piétons.

Il s’en est fallu d’un cheveu que je ne le renverse. C’est normal, il marchait sur la piste cyclable, des écouteurs sur les oreilles alors que, ultime privilège du cycliste parisien, je flânais tranquillement, étourdiment peut-être, sur cette même piste cyclable. Si je n’avais pas freiné, et fait un évitement, il me serait certainement difficile d’écrire aujourd’hui cette petite chronique car j'aurais sans doute chuté.

Le piéton n'a pas bougé, j’ai hurlé de surprise, de peur et de colère, et j’ai reçu en réponse un nom d'oiseau équivoque dont je ne retranscrirai pas le sens ici, par respect pour le lecteur.

Hegel confessa un jour avoir vu en Napoléon l’Histoire à cheval, moi ce jour-là j’ai croisé la dictature en baskets. Spectacle glaçant.

En effet, si la bicyclette fut surnommée “la petite reine” il y a un siècle, aujourd’hui le piéton est roi. Son regard ne ment pas, il vous domine, il vous toise et surtout il vous méprise.

Le piéton peut être de tous les milieux. Il y a la grande bourgeoise inénarrable juchée sur des Lou Boutin hors de prix, son sac matelassé et griffé jeté négligemment sur l'épaule, elle n’a pas le temps de s'écarter car elle est en grande conversation avec son téléphone. On croise aussi l’étudiant nonchalant et mal assuré qui traverse dangereusement entre des voitures dont il raye la carrosserie non sans insulter abondamment leurs conducteurs stupéfaits et impuissants. Il y a le sportif, enfin, sûr de lui et de sa force, moulé dans d’extravagantes combinaisons qui ne laissent absolument rien ignorer de son anatomie et chaussé des dernières running à la mode. Ils ne sont pas du même monde, mais ils appartiennent à la même internationale puissante et redoutable, celle des gens responsables qui sauvent la planète en marchant et qui ont donc, à ce titre, droit de vie et de mort.

Vous avez beau protester, pauvre cycliste, car vous utilisez vous aussi une énergie “propre”, que vous ne polluez pas plus que lui et que vous n’achetez pas, contrairement à lui, à des pays émergents des chaussures que l’on ne fabrique presque plus en France.

Peine perdue, le cycliste n’est qu'un intru aux yeux de ces squatteurs de pistes cyclables, pire peut-être, car celui-ci voit derrière chaque cycliste un piéton honteux qui n'a pas le courage de marcher. Le piéton a désormais la préséance et partout il faut lui céder le pas sous peine d’être traité comme un ennemi déclaré de la couche d’ozone.

La marche n’est plus un moyen de déplacement, il est désormais un signe identitaire, un choix politique. Hier elle était une perte de temps, aujourd’hui elle incarne une idéologie totalitaire et en cela elle est devenue très dangereuse.